Récolter les fruits de l’agroécologie : parole à deux experts ouest-africains
Ce mois-ci, le programme Equité s’est entretenu avec Issaka Sommandé, Président de la Plateforme Nationale du Burkina Faso et Mathieu Savadogo, expert et directeur fondateur de l’Association pour la Recherche et la Formation en Agroécologie au Burkina Faso.
Quels sont les défis actuels rencontrés par les acteurs de la filière fruits (mangue, noix de coco, ananas, hibiscus, anacarde) notamment les producteur.ice.s et transformateur.ice.s en Afrique de l’Ouest ?
M. Savadogo : À l’heure actuelle, dans les pays du Sahel, le manque d’eau diminue le potentiel de production des vergers de mangues, ce qui réduit les espaces de production fruitière. Ces mêmes vergers sont par ailleurs mal entretenus par les producteur·ice·s qui ne disposent pas de produits phytosanitaires de bonne qualité. Il en résulte un appauvrissement des sols et une pression croissante des ravageurs et des maladies sur ces vergers
M. Sommandé : Outre ces enjeux, les coopératives de production et transformation de fruits rencontrent souvent des difficultés organisationnelles et de gouvernance. Elles ne sont donc pas en mesure d’adhérer aux organisations faîtières, créées pour les représenter et défendre d’une seule voix leur filière.
Face aux enjeux rencontrés par les coopératives de la filière fruits, comment travaillez-vous avec elles pour les accompagner ?
M. Sommandé : La semaine dernière, la PNCE-BF a contribué au renforcement des capacités de ses producteur·ice·s membres, en organisant une formation sur la production de fertilisants naturels et de biopesticides afin de lutter durablement contre les ravageurs et l’appauvrissement des sols. En outre, la plateforme de commerce équitable burkinabè sensibilise et informe les différentes coopératives sur les pratiques culturales innovantes et la fabrication de compost, pour répondre au manque d’eau et de terres.
M. Savadogo : L’association ARFA accompagne les coopératives de l’Est du pays pour répondre à ces enjeux en facilitant l’acquisition de plants de bonne qualité pour la création de vergers par des partenariats avec les instituts spécialisés dans les produits fruitiers. A titre d’exemple, l’association de manguiers ou de goyaviers avec la production céréalière permet un meilleur entretien des vergers. Également, l’utilisation des mycorhizes, expérience conduite en partenariat avec l’IRD, favoriserait la croissance de ces plants en luttant notamment contre les ravageurs.
Selon vous, en quoi le commerce équitable peut-il être un levier pour aller vers des pratiques de production plus durables ?
M. Savadogo : Un des freins à la mise en place de l’agroécologie est le manque d’appui technique ou financier. Le programme Équité offre cet appui à la filière fruitière, et introduit par ailleurs l’agroécologie comme thème transversal. Cela va démultiplier les partages d’expériences et les visites inter-projets, et les généraliser à l’échelle nationale.
M. Sommandé : L’atelier de formation sur « l’approche agroécologique dans notre système de production » soutenu par le programme Équité a su renforcer les capacités des producteur·ice·s sur les techniques de fabrication et d’utilisation de biofertilisants. Forts de ces nouvelles capacités, les producteur.ice.s pourront les diffuser sur le territoire national, grâce aux échanges d’expériences inter-plateformes au niveau de la région, et intra-plateformes au niveau de la PNCE-BF.
Avez-vous des exemples d’innovations en matière d’agroécologie à promouvoir dans la filière fruits ?
M. Sommandé : Une des innovations agroécologiques est l’utilisation de fertilisants naturels à partir de résidus de pulpe et de peau de mangues. Ce compost, produit dans des fermes biologiques, apporte de l’humidité au sol, améliorant le rendement des parcelles. Ainsi, lorsque de nouveaux vergers sont plantés, les producteur.ice.s observent un accroissement plus rapide des pieds de mangue sur lesquels ce compost a été épandu.
M. Savadogo : L’agroécologie est innovante puisqu’elle augmente les rendements des parcelles et améliore la qualité des produits, ce qui garantit la confiance des consommateurs. Elle permet aussi d’utiliser moins d’intrants importés, renforçant les capacités d’autofinancement des producteur.ice.s, qui voient leurs marges bénéficiaires augmenter.
Quels messages souhaitez-vous faire passer aux organisations de producteur.ice.s d’Afrique de l’Ouest en matière de pratiques agroécologiques de production et de transformation de fruits ?
M. Savadogo : J’encourage tous les producteur·ice·s fruitiers à s’engager dans les pratiques agroécologiques de production et de transformation, pour participer de manière efficace à la gestion durable des ressources naturelles et pour mettre à disposition de la population des denrées alimentaires saines.
M. Sommandé : L’approche agroécologique dans la production agricole et fruitière a un impact positif sur le plan économique car les intrants et fertilisants naturels protègent la qualité des sols, et a un impact positif sur la santé humaine, animale et végétale, contrairement aux intrants chimiques.